Il y a quelques semaines un vaste réseau d’escroquerie aux documents administratifs a été mis à nu par les Services de la Direction générale de la documentation et de l’immigration (DGDI). Une prétendue « conseillère spéciale du Président de la république en poste auprès du coordonnateur général des affaires présidentielles » serait la maestria de cette organisation, avec des magistrats et des greffiers du Parquet de Libreville en choristes.
Dans les prochains jours, sinon les prochaines heures, ce sera certainement l’un des plus gros scandale de corruption révélé au grand jour.
Tout part d’une perquisition effectuée par des agents de la DGDI au domicile librevillois d’Alphonsine Ndembi Tchetchenigbo, ainsi que dans un magasin dont elle est propriétaire.
Dame Alphonsine Ndembi Tchetchenigbo se présente comme « conseiller spécial du président de la République, Ali Bongo Ondimba, en service auprès du coordonnateur général des affaires présidentielles, Noureddin Bongo Valentin ». Pourtant, elle est inconnue des services de la Présidence de la République. Mieux, celle qui se fait communément appeler « Maman Alphonsine » dit également être « grande nganga » du vaudou, un rite traditionnel originaire du Bénin.
Des sources proches de la DGDI, nous informe que cette perquisition a permis aux enquêteurs de collecter de «nombreuses preuves matérielles». En particulier, des documents dans le cadre d’affaires pendantes en justice que les avocats des parties concernées (le plaignant et le défenseur) ne peuvent valablement se procurer car n’étant susceptibles d’être consultés que chez le juge d’instruction chargé de l’affaire.
Plusieurs documents de ce type ont été retrouvés au domicile de « Maman Alphonsine » lors de la perquisition effectuée par la DGDI. Mais parmi les « précieuses trouvailles » des enquêteurs, pour reprendre l’expression de l’un d’entre eux, figure un agenda dans lequel ont été méthodiquement consignés les dates, les heures et les lieux de rencontre avec certains magistrats et greffiers du Parquet de Libreville, ainsi que les sommes d’argent remises à ces derniers en vue d’obtenir la liberté provisoire de détenus à la Prison centrale de Libreville.
Toujours selon des sources proches de l’enquête, Alphonsine Ndembi Tchetchenigbo, se prévalant de sa fantasmatique qualité de conseiller à la Présidence de la République, approchait des personnes ayant des démêlés avec la Justice et disposant de moyens financiers conséquents. Elle se proposait ensuite, moyennant finance, de leur obtenir de précieuses informations pouvant conduire à leur libération ou à celle de leurs proches. Pour mener à bien son office, elle proposait à ces personnes de changer d’avocats pour leur substituer ceux avec lesquels elle était en commerce, puis elle se rapprochait des magistrats et des greffiers chargés du dossier de ses « clients », leur promettant en contrepartie de leur complaisance de l’argent, mais également des « promotions rapides » dans leur carrière grâce à ses fonctions de conseiller à la présidence de la République, mais aussi à ses prétendus « pouvoirs mystiques ».
Il y a quelques années, Maître Francis N’kea, alors Ministre de la Justice, avait publiquement déclaré que certains magistrats et greffiers étaient corrompus au Gabon. Ces déclarations avaient, à l’époque, suscité l’indignation du syndicat de la magistrature. Celui-ci avait entamé une grève illimitée et demandé la démission du ministre, paralysant l’ensemble de l’appareil judiciaire. Maître Francis N’kea avait alors été « démissionné » et nommé dans la foulée à un autre poste au sein du gouvernement.
L’histoire cette fois-ci pourrait ne pas se répéter. Compte tenu de la gravité des faits reprochés, la qualité des personnes impliquées et le climat ambiant (marqué par l’opération anti-corruption Scorpion), les choses devraient prendre une tournure différente.
Dans ce contexte, la réaction d’Erlyne Antonella Ndembet, l’actuel ministre de la Justice, est particulièrement attendue. Elle qui est magistrate de carrière devra faire passer l’intérêt général (la lutte contre la corruption) avant tout esprit de corps. Ce serait un marqueur concret du changement que le président Ali Bongo Ondimba appelle de ses vœux.