C’est via un courrier daté du 10 janvier dernier et remis à l’ambassadeur de France au Gabon, que Marc Ona Essangui, un activiste gabonais, ordonne Emmanuel Macron, attendu début mars pour le « One Planet Summit » à « reconsidérer l’opportunité de (venir) l’année de l’élection présidentielle ». Une démarche vouée à l’échec mais dont le véritable but est de faire le buzz pour s’offrir un quart d’heure de gloire médiatique.
Dans le catalogue de l’exposition qui s’est tenue au Moderna Museet de Stockholm début 1968, Andy Warhol avait écrit : « À l’avenir, chacun aura droit à quinze minutes de célébrité mondiale ».
A cette prévision du célèbre artiste, pape du pop-art, l’activiste y croirait de toute ses forces. A ce sujet, le président d’une association de protection de la biodiversité au Gabon cingle, « A défaut de se distinguer par ses actions, il a choisi de se faire remarquer en mettant des bâtons dans les roues des dirigeants. C’est son fonds de commerce ».
A l’inverse de Marc Ona Essangui, celui-ci « préfère, aux plateaux de télévision et aux réseaux sociaux, le terrain ».
Publiquement, Marc Ona Essangui dirige une ONG de protection des forêts, The Brain Forest. Dans ce sens, le responsable de la branche gabonaise d’une grande ONG internationale fait observer : « Une coquille vide ». « Il n’y a aucun rapport d’activité. » Mais depuis quelque temps, Marc Ona Essangui a ajouté une nouvelle corde à son arc : l’association Tournons la page dont il est le président.
Dans un courrier adressé à l’ambassadeur de France au Gabon, il ordonne le président français, attendu début mars à Libreville pour participer au « One Planet Summit » à « reconsidérer l’opportunité de (venir) l’année de l’élection présidentielle ».
Disant agir « dans l’intérêt bien compris (des) deux pays et (des) peuples respectifs » dont il se fait le porte-parole, M. Ona Essangui prévient : « A tort ou à raison, les Gabonais interpréteront votre arrivée (…) comme l’expression du soutien de la France au régime en place en vue de favoriser son maintien au pouvoir ».
Actuellement, ce courrier, qui vise à mettre les autorités françaises dans l’embarras, n’a suscité aucune réaction officielle. A cet effet, une source s’agace : « Ces sujets ne sauraient être débattus sur la place publique, dans les médias et sur les réseaux sociaux. Quand on utilise ce genre de procédé, c’est que l’on poursuit un autre agenda ».
Avant d’ajouter : « Soit on recherche le résultat, soit on recherche le buzz. En l’espèce, on est clairement dans le second cas ».
Une autre source indique, il y aurait « hésitation sur la posture à adopter face à une telle démarche ». Ce, en raison de « la personnalité controversée de son auteur ». « Ces dernières années », explique-t-il, « M. Ona Essangui a pris des positions dans le champ sociétal, comme sur la polygamie, les violences faites aux femmes, mais aussi en matière politique, comme le fait de soutenir la junte au Mali, avec lesquelles nous sommes en désaccord total ».
D’après une autre source, ces derniers mois, Marc Ona Essangui « n’a pas tari de critiques envers la France en Afrique. A l’inverse, il semble beaucoup plus complaisant avec la Russie. » Et de se demander, « à qui, d’un point de vue géopolitique, profiterait la non-venue du président français au Gabon ? »
Si Emmanuel Macron a choisi de venir à Libreville en mars prochain, c’est certes pour participer au « One Planet Summit », mais c’est aussi pour essayer de renouer des liens passablement distendus avec le Gabon. Partant, un géopolitologue, fin connaisseur du continent africain avance : « Le Gabon a pris une autre dimension ces dernières années sur la scène internationale. Il n’est plus un pays africain parmi 53 autres. Le dossier du climat, sur lequel il est très actif, y a beaucoup contribué. Mais il y d’autres raisons ».
Devant, cet universitaire rappelle « Le monde a changé et la nature a horreur du vide. En dix ans, le Gabon a noué des relations avec d’autres partenaires. La Chine est de loin son premier partenaire commercial. C’est le singapourien Olam, et non plus le français Total, qui est le plus grand employeur privé dans le pays. Et en juin dernier, le Gabon, autrefois pilier de la francophonie, a adhéré au Commonwealth ».
Puis de renchérir : « Au Gabon, comme partout ailleurs en Afrique, la France, en raison d’une politique erratique, négligeant ses intérêts au profit d’un discours que certains qualifient de ‘droit-de-l’hommiste’, s’est fait distancée (…) Les autorités hexagonales cherchent aujourd’hui à rattraper le terrain perdu. D’où le retour en force, après de longues années d’absence, de ministres, du patronat français avec le Medef, ainsi que du président Macron ».
Dans son courrier, Marc Ona Essangui, « porte-parole autoproclamé et sans aucune représentativité du peuple gabonais », comme l’a qualifié un jour un ancien ministre, agite le drapeau rouge de la « Françafrique » afin d’essayer de persuader le président français d’effectuer un déplacement au Gabon.
On peut légitimement se demander si ce n’est pas lui, Marc Ona Essangui, qui est l’héritier de la Françafrique, en tout cas ce qu’il en reste. Car comment concevoir qu’en 2023 une élection présidentielle au Gabon puisse se jouer à quelque huit mille kilomètres de là, à Paris ? Il y a, ici, quelque chose d’obsolète de profondément anachronique.